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Communiqués des sections
Section SNJ Rhône

Le Progrès

Une dérive, quelle dérive ?

CE du 24 avril 2014


Non, Le Progrès n’est pas un journal raciste. Après deux jours d’une crise matérialisée par un lynchage médiatique sans précédent, le directeur général Pierre Fanneau était venu répondre, devant le CE, à la déclaration intersyndicale (lire ci-dessous) lue par les représentants des salariés, désireux de se dissocier du contenu du dossier sur la délinquance par nationalités paru le 22 avril dans les éditions du Rhône.
 

Voici en quatre points la quasi-totalité de son intervention :

« Déferlement de haine »
« Notre infographie n’a pas été détectée. C’est de là que tout est parti, alors que le dossier en lui-même ne posait aucun problème. D’ailleurs d’autres titres ayant traité le même sujet n’ont pas fait l’objet du déferlement de haine dont le journal a été victime. Nous avons été traînés dans la boue. Personne n’est à l’abri d’une mauvaise interprétation, mais ce qui s’est passé ensuite est excessif et détestable. Il y a eu une erreur, mais de là à dire que le journal a tourné le dos à son histoire et à ses valeurs, on ne peut pas affirmer ça. C’est quelque chose qui m’a choqué, qu’en interne, certains se fassent l’écho de ce genre de propos, et se permettent de dénigrer l’entreprise à l’extérieur, alors que la bonne attitude était de faire bloc. Ce sont des sujets qui se traiteront à froid ».

« Soit-disant dérive »
« Le Progrès, de par ses multiples publications, a fait la démonstration depuis bien longtemps de son côté pondéré et raisonnable, à l’image de ce qu’il a toujours été. S’il fallait le démontrer, il suffirait de faire le recensement de tous les articles publiés chaque année relatant des actions contre le racisme, ou contre l’exclusion. Nous sommes par ailleurs aujourd’hui le seul journal de France qui tient à bout de bras depuis six ans une manifestation unique qui s’appelle Les Trophées de la diversité. Pour toutes ces raisons, les réactions contre le journal ont été disproportionnées. Elles se sont exprimées sur les réseaux sociaux essentiellement. On ne peut pas en tirer de conclusions sur une soit-disant dérive qui se résume à un cas d’infographie maladroite ».

« Attendre que tout ça se dégonfle »
« J’attends plus de mesure, en interne. Il faut qu’on reprenne nos esprits. Tout le monde n’a pas la même analyse sur la gravité de la chose. Le journal n’est pas devenu xénophobe, ni raciste, ni d’extrême droite, ni quoi que ce soit. Nous allons attendre que tout ça se dégonfle. Il y a eu un problème, il faut qu’on le règle. On a reconnu que quelque chose est passé qui n’aurait pas dû passer. Maintenant il faut arrêter, car la polémique s’auto-alimente ».

« C’est à la direction de prendre ses responsabilités »
« L’infographie est l’élément qui a posé le problème. Nous allons examiner, à froid, ce qui s’est passé, tenter d’identifier les causes, et nous prendrons les mesures nécessaires, si besoin. J’ai dit que nous tirerons un certain nombre d’enseignements de cette crise, on va le faire, mais c’est à la direction de prendre ses responsabilités, on n’est pas en autogestion. Essayons de faire en sorte au maximum que ça ne se reproduise pas, mais en ce qui concerne la ligne éditoriale, il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain. Tout n’est pas à revoir. Faisons déjà en sorte que l’externe se calme. Ce sujet-là doit être regardé à froid ».

 

Déclaration des organisations syndicales SNJ, CFDT et CFE-CGC

« En publiant mardi 22 avril, dans une double page des éditions du Rhône, un sujet additionnant les clichés, les amalgames et les raccourcis aux relents xénophobes, afin d’établir une sorte de palmarès des nationalités étrangères en matière de délinquance, la rédaction en chef du journal a tourné le dos aux valeurs qui ont toujours été celles du Progrès. Le traitement de ce sujet a provoqué une vague d’indignation sans précédent pour notre journal. Le Progrès a été traîné dans la boue sur les réseaux sociaux, condamné ou ridiculisé par la plupart des grands médias nationaux. Plusieurs associations, dont la Licra, le Mrap, SOS Racisme, et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) ont annoncé qu’elles allaient porter plainte contre le journal pour discrimination raciale, voire incitation à la haine raciale.

Ce dérapage révèle la faillite d’une politique éditoriale basée sur le tout faits-divers, la recherche permanente du sensationnel. Cet épisode nous renvoie aux heures les plus sombres du journal, lorsque malgré les protestations en interne, la direction avait déroulé le tapis rouge à Jean-Marie Le Pen, en 2006, pour un « face aux lecteurs » de triste mémoire.

Le sujet du mardi 22 avril a été validé, comme l’infographie. La responsabilité de la rédaction en chef et de la chaîne hiérarchique est clairement engagée. Le semblant de mea culpa publié le soir même sur le site du journal n’a pas lavé l’image brouillée de ce journal qui ne doit pas tourner le dos à ses valeurs, ni à son histoire. Les syndicats de salariés tiennent à se démarquer du contenu du dossier. Le Progrès doit rester le journal républicain qu’il a toujours été ».

 

Commentaires du SNJ

Dans la mesure où Pierre Fanneau n’a pas souhaité engager le débat au CE, mais ne s’est pas privé d’énoncer des contre-vérités, et de mettre en cause les organisations syndicales, le SNJ en particulier, nous tenons à apporter les précisions suivantes :

- Bien que caricaturale, l’infographie n’est pas seule responsable de la polémique, même si elle a facilité le buzz en étant diffusée et rediffusée en masse sur les réseaux sociaux. La pratique de la photo d’illustration, amplifiant en Une le côté mise en scène de l’information, est plus que contestable. Le dossier en lui-même prêtait le flanc à la controverse, le journal s’étant affranchi des précautions prises par Le Monde, lorsque le quotidien national avait traité le sujet en décembre, sur les bases de ce même rapport de la police judiciaire. Par ailleurs, dans sa titraille, le dossier du Progrès évoque la délinquance en général, alors que le rapport cité en référence traitait uniquement de la délinquance en bandes organisées.

- Le SNJ, et les salariés du journal en général, se seraient bien passés de ce buzz. La direction dispose d’une bonne marge de progression en matière de communication de crise. Il a fallu attendre 18 heures, ce jour-là, pour qu’une précision de la rédaction en chef soit publiée sur le site.

- Le SNJ n’a pas participé au « lynchage » du journal. Le SNJ n’a pas créé ni alimenté ce buzz infernal. A aucun moment, il ne s’est permis de dénigrer l’entreprise à l’extérieur. Le SNJ ne s’est exprimé que pour défendre l’image du journal, et exprimer le besoin des salariés de se dissocier du contenu du dossier mis en cause. Le communiqué de la section SNJ, que l’AFP et quelques médias nationaux ont repris, a contribué à atténuer l’image déplorable donnée du Progrès ce jour-là.

- Comment peut-on expliquer que ce papier sensible ait pu être validé ? La rédaction en chef, qui a commandé le dossier, aurait dû aller jusqu’au bout de sa commande, et regarder de très près ce qui allait être publié : c’est sa responsabilité. Avant de donner des leçons de communication au SNJ, Pierre Fanneau devrait commencer par balayer devant sa porte et celle de ses cadres.

-Le SNJ maintient son analyse. Cet accident devait arriver. Au-delà du défaut de validation, il n’est que la résultante d’une dérive, un défaut d’animation de la rédaction, et l’absence de réflexion collective sur les choix et les angles, confisqués par quelques-uns, dotés de la science infuse. Au quotidien, trop de chefs refusent le débat, et considèrent que les journalistes doivent se contenter d’être de bons petits soldats qui ont juste à rédiger (très vite) les articles qu’on leur demande. C’est cela qu’il faut changer.

- Nous ne sommes pas en autogestion, certes, personne ne le conteste, mais sur le contenu et l’image d’un journal, la rédaction a plus que son mot à dire : un canard n’est pas une fabrique de fromages, de chaussures ou de machines-outils. Chaque journaliste est identifié en tant que tel, et assume donc un peu individuellement l’image du titre.

 

Le chiffre

0,4005 du kilomètre
Le barème fiscal ayant été réévalué fin mars, les remboursements de frais kilométriques passent de 0,3975 euro du kilomètre à 0,4005 euro du kilomètre sur les frais engagés à partir du 21 mars. Un rattrapage sera effectué sur les notes de frais déjà envoyées.

 

A l’ordre du jour du CE

Municipales : les chiffres.- A la demande du SNJ, la direction a présenté le bilan chiffré des deux tours des élections municipales des 23 et 30 mars. Au niveau des ventes papiers, la direction estime avoir enregistré un total cumulé de 133 895 exemplaires de ventes additionnelles, réparties principalement sur quatre jours, comme suit : 76 750 exemplaires le lundi 24 mars, 9 650 exemplaires le mardi 25, 41 830 exemplaires le lundi 31 mars et 4 630 exemplaires le mardi 1er avril. Au niveau du web, les pass journaliers (à 2 euros) ou hebdomadaires (à 7 euros) vendus ne dépassent pas les quelques dizaines par jour, pour un chiffre d’affaires assez confidentiel. Il est vrai que le bug’ survenu sur le site le dimanche 23 mars à 19h58, avant la publication des premiers résultats, n’a pas franchement aidé. Sur les ventes papiers, le constat est similaire pour toute la presse régionale : l’impact n’est plus le même que par le passé. Même les municipales, ça eut payé. « On constate un écrêtement des pics de ventes, qui aurait été encore plus violent si on avait donné tous les résultats gratuitement sur le web », a dit Pierre Fanneau, au CE. En réalité, le problème s’est posé différemment, puisque par la faute de ce bug’, on n’a pas donné du tout les résultats le jour J…

Pourquoi ce bug’ ?- Ce n’est pas la saturation des sites du Progrès et du DL qui a provoqué le fort ralentissement, à l’origine du bug’ généralisé survenu le 23 mars. A l’origine, alors qu’une batterie de tests avait permis de valider l’ensemble des procédures nécessaires pour l’extraction des tableaux, c’est la requête d’un informaticien, non re-testée par Euro-Information, pas au courant, qui a provoqué le dysfonctionnement, a expliqué Pierre Fanneau. La suite, on la connaît. Le risque étant de mettre en péril la sortie des journaux, la décision a été prise de déconnecter les sites une bonne partie de la soirée, alors qu’un second problème, lié à l’incompatibilité des tableaux fournis par certaines préfectures, en a rajouté une couche dans l’aspect course d’obstacles. Heureusement, il n’y a pas eu d’incident à l’imprimerie ce soir-là.

Et la faute à qui ?- Pas de chance, c’est Le Progrès qui servait de plateforme informatique commune aux journaux du groupe. « Au niveau du comité de direction du groupe Ebra, personne n’a mis en cause le travail réalisé au niveau du Progrès », a dit Pierre Fanneau. Ouf ! L’honneur est sauf. La faute à qui, alors ? Euro-Information, filiale informatique du Crédit Mutuel, peu au fait des spécificités de la presse ? Pierre Fanneau : « Côté EI ils assument ce bug’ comme étant leur échec. Au niveau informatique, il y a un certain nombre de choses à reconsidérer, qui étaient déjà en cours de rééquilibrage. Cet événement va agir comme un accélérateur pour rectifier certaines procédures ». Il fallait bien manquer de peu de compromettre la parution de neuf quotidiens un soir d’élection, pour enfin prendre en compte le fait que l’informatique de la banque n’est pas tout à fait l’informatique de la presse.

Frustration.- « Je comprends que ça ait été mal vécu. C’est rageant, parce que sur le web, les rédactions avaient mis le paquet », considère Pierre Fanneau. Tout dépend ce qu’on entend par « mettre le paquet », nombre de confrères mobilisés ce soir-là ayant constaté une certaine improvisation pas franchement rassurante.

 

La phrase

« On peut toujours essayer de construire de nos échecs »
De Pierre Fanneau, directeur général du Progrès, à propos du bug’ du premier tour des élections municipales, mais la formule pourrait s’appliquer à bien d’autres circonstances.

 

Les dossiers de la rédaction

Banque d’images Fotolia : quelles règles ?- Le SNJ est intervenu pour demander à la direction de limiter le recours à la banque d’images photos à bas coût Fotolia, utilisée notamment pour illustrer les Unes des cahiers services. Le SNJ considère que ces banques de données low-cost favorisent la dérégulation du marché de la photo de presse, et par là même, contribuent à fragiliser encore plus qu’il ne l’est déjà le métier de reporter photographe. Le Progrès dispose d’un abonnement lui permettant d’utiliser 50 images par mois, « peu de personnes ont les codes d’accès, de manière à ce qu’on ne puisse pas céder à la facilité pour illustrer un sujet, mais si nous ne disposons pas du cliché dans notre base, alors oui on va voir ailleurs », a précisé Thierry Chouet, secrétaire général de la rédaction. Il est préférable de demander aux photographes de la maison de faire de la photo d’illustration, estime le SNJ.

Publicité, partenariats, rédaction : quelle frontière ?- Encore une fois, le SNJ est intervenu pour dénoncer le mélange des genres dans un certain nombre de cas, entre ce qui est du domaine des partenariats voire de la publicité, et les prérogatives de la rédaction. Quand le partenariat avec les collectivités régionales (Rhône-Alpes et Franche-Comté) et les pré-ventes influent sur le contenu et la place allouée à la couverture du Salon de l’Agriculture à Paris. Quand, à contrario, l’absence de partenariat influe sur le contenu et la place allouée à la couverture de la Foire de Bourg-en-Bresse. Au-delà de l’aspect purement commercial, où se situent l’intérêt du lecteur, et la notion de proximité, dans ces cas-là ? Pourquoi ces partenariats ne sont-ils pas systématiquement identifiés comme tels, ne serait-ce que par un logo, pour éviter toute confusion ? Quant au magazine gratuit C’est en Ville, distribué dans la périphérie lyonnaise, s’il est assez clairement identifié comme étant un attrape-pubs, s’appuyant sur les correspondants, comment interpréter le fait que son contenu évolue petit à petit, jusqu’à vampiriser en partie le quotidien et son réseau de correspondants ? L’entreprise gagnerait à clarifier un certain nombre de ses pratiques, pour gagner en crédibilité.

 

L’info

Un conseil d’administration de Groupe Progrès SA se tenait le matin-même du CE, en présence du patron du Crédit Mutuel, notre actionnaire vénéré, Michel Lucas. L’information annoncée lors de ce CA a été confirmée lors du CE : tout en restant directeur général du Progrès, Pierre Fanneau sera nommé cet été directeur général des Journaux de Saône-et-Loire et du Bien Public. L’opération annonce une probable réorganisation industrielle, et des conséquences à court terme sur les centres d’impression.

 

Vos élus (SNJ) de CE :

Christine Morandi
Jean-Philippe Michaud
Vincent Lanier
Yves Spahis
Représentant syndical au CE : Philippe Perroud

 

Tous les communiqués du SNJ sont sur www.snj.fr

A Rodez, le SNJ contre le tri sélectif de journalistes

Sipa Ouest-France : contre les synergies, pour le pluralisme

 

Lyon, le 24 Avril 2014

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